La Poste, une opération juteuse ?

La Poste, une opération juteuse ?

Article dans Le Lien n°318

« Mandarine », c’est le nom de code de cette opération visant à créer un grand groupe public de bancassurance. S’il n’y a pas de pépins, elle devrait être opérationnelle en janvier 2020.

Comme chacun sait, La Poste, si elle a des atouts sur les marchés du colis et des services financiers, évolue dans un marché du courrier en repli. Pour faire face à cette situation incertaine, elle a choisi de se diversifier et d’être un opérateur multi métiers. Elle doit également affronter une concurrence soit ultra spécialisée, soit avec des moyens financiers et technologiques importants. Son rapprochement avec la Caisse des Dépôts et Consignations et la CNP Assurances vise à apporter au Groupe des moyens financiers. La CDC va devenir le premier actionnaire de La Poste, qui va prendre le contrôle de la CNP via sa filiale La Banque Postale.

Des partenaires qui se connaissent

Depuis la réforme de son statut de 2010, La Poste est détenue à 74% par l’Etat français et à 26% par la CDC.

Fin 2017, la CDC a valorisé La Poste à 1,6Mrds€ dans ses comptes, ce qui valorise l’entreprise La Poste à 6,242Mrds€ au total. La Poste (247M€ d’actifs) constitue en 2017 le second actif le plus important de la CDC derrière la CNP (423M€). Un pacte d’actionnaire a été conclu en février 2011 entre l’Etat et la CDC, permettant à cette dernière d’exercer une influence sur la Groupe La Poste et dressant les perspectives pour la suite.

66 % CDC en 2020

A l’issue du processus prévu début 2020, l’Etat détiendrait 34% de La Poste, la CDC 66%.

La Poste, quant à elle, déteindrait 100% de sa filiale La Banque Postale, qui elle-même aurait 60% de CNP Assurances. La valorisation des opérations est en cours. L’accord de l’AMF -entre autres nombreux accords requis- permet à la CDC de monter au capital de La Poste par l’apport de titres pour environ 6 Mrds€ et non par apport de cash.

La CNP, énorme collecteur d’épargne, a un chiffre d’affaires en progression, diversifie ses activités et renforce son activité en Amérique Latine, avec des taux de profitabilité particulièrement élevés. La Banque Postale en est un important actionnaire aux côtés de la BPCE et de la CDC. En associant La Banque Postale, premier financeur des collectivités, à la Banque des territoires de la Caisse des Dépôts, le gouvernement espère « aider le développement du très haut débit et la revitalisation des territoires et ainsi lutter contre le désert français. »

Quid des services publics et de l’emploi ?

Si l’on comprend les intérêts financiers immédiats de l’opération, par l’apport de liquidités mais aussi le rapprochement des activités de la banque et de l’assurance, une cession d’une telle envergure, qui plus est dans le secteur public s’avère risquée et complexe.

Pour La Poste, les bénéfices seront de générer du cash à terme et de renforcer la part des activités bancaires par rapport à la baisse du courrier, mais cela ne représente pas en revanche une solution pour l’emploi. Les attentes de la CDC en matière de restructuration et de rentabilité puis éventuellement de cession ne sont pas encore affichées.

La CDC, qui s’enorgueillit de créer le plus grand pôle financier public mondial au bilan de 1000 Mrds€, aura-t-elle un intérêt à conserver l’intégrité du groupe La Poste ? Quoi qu’il en soit, la logique des services publics et des besoins de la population doit être et sera retravaillée et renégociée.

Les syndicat CFTC de La Poste et de la CDC ont demandé un accord de groupe étendu qui garantirait le maintien des effectifs et des statuts dans chaque groupe et permettrait des perspectives d’évolution intéressante voire des mobilités volontaires. Tous les obstacles ont été levés depuis l’annonce d’août 2018 pour mener le projet Mandarine à sa maturité, depuis les discussions syndicales, le désaccord du PDG de la CNP, les nombreux accords requis, la loi Pacte promulguée. L’Etat continue cependant de s’interroger sur son intérêt à détenir une part de capital de La Poste ou à continuer à l’ouvrir. Espérons que le fruit de ces tractations n’aura pas un goût amer pour les agents de La Poste et au-delà de la CDC et de la CNP.