ÉDITORIAL

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La fin de l’abondance marquera-t-elle le début de la sobriété ?

Avec une de ces petites phrases dont il a le secret, le Président de la République aura donné le ton de la rentrée. La « fin de l’abondance, de l’évidence et de l’insouciance » aura sonné pour les Françaises et les Français comme une provocation et, plus encore, pour ceux que la CFTC représente et défend au quotidien. Comment ne pas s’indigner alors que la pauvreté en France* ne cesse de s’aggraver et que la précarité du travail touche de plus en plus de salariés ?

 La grande démission dont on nous rebat les oreilles – comme s’il s’agissait d’un caprice d’après Covid des travailleurs ! – ne doit pas cacher les réelles problématiques du travail : un manque crucial d’attractivité des métiers en termes de conditions de travail, de répartition des temps de vie et surtout de rémunérations. La CFTC estime que les conditions de travail ont nettement reculé en 2021 avec une intensification du travail, des horaires décalés, un déséquilibre accru des temps de vie, un impact émotionnel du travail et une plus grande insécurité de l’emploi**. À ce jour, et plus encore après l’augmentation liée à l’inflation du SMIC au 1er août, nombre de branches restent en deçà des minima sociaux et la revalorisation des grilles indiciaires peine à se mettre en place. Jamais en France, un Smicard n’aura coûté aussi peu cher aux entreprises ni rapporté autant d’aides !

 Le pouvoir d’achat des salariés – et avec lui le niveau de vie de leurs familles – est de plus en plus fragilisé, avec un coût des transports et une facture énergétique qui flambent. Il serait grand temps de partager la valeur produite comme le réclame depuis longtemps la CFTC. Hélas, la taxation des superprofits tentée par l’Union Européenne restera limitée et tellement sélective qu’elle risque de ne rapporter qu’un dixième des 50 milliards attendus. Au lieu de cela, l’État annonce continuer sa réforme de l’assurance chômage et ses mesures à court-terme. Plutôt contraindre les chômeurs à accepter une activité que réfléchir à revaloriser les métiers et le travail ! Plutôt déréguler les grands corps techniques de l’Etat que de conserver un service public de qualité, égalitaire, au profit de tous ! Plutôt annoncer une réforme paramétrique au forceps de l’âge de départ à la retraite que de négocier avec les partenaires sociaux et les parlementaires ! Enfin, et c’est peut-être le plus grave, alors qu’il y a urgence à prendre en compte les risques environnementaux et à changer rapidement nos modes de production et de consommation et à envisager un réel mix énergétique, la mesure phare est maintenant de faire passer tout le monde au modèle électrique et à prôner la sobriété sans trop d’obligation pour les plus gros consommateurs industriels. Ceux qui ont vécu dans les régions caniculaires cet été apprécieront.

Mais là où le Gouvernement ne se trompera pas, c’est en effet que la rentrée sera électrique !

 *Le troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022, France Stratégie.

** Contribution de la CFTC au bilan des conditions de travail DGT 2021