REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE : ENJEUX, RÉALITÉS ET PERSPECTIVES DANS NOS BRANCHES PROFESSIONNELLES

08 juillet 2025 Fédération

La représentativité syndicale est bien plus qu’un indicateur électoral. Elle conditionne la capacité des organisations à négocier, à défendre les droits des salariés, et à influer sur les décisions collectives dans chaque branche professionnelle. Quatre négociateurs de branche de la CFTC :

partagent leur vision du sujet, chacun dans leur secteur d’activité.

Une mission syndicale au cœur du dialogue social
Dans leurs rôles respectifs, ces représentants portent la voix de milliers de salariés lors des négociations collectives de branche. Bernard Poisson, secrétaire général adjoint de la Fédération Media+, représente notamment la branche du routage postal et les entreprises du traitement de la presse. Il coordonne aussi les négociations relatives au secteur postal, incluant La Poste.

Olivier Louise intervient, lui, dans le domaine des télécommunications. Il explique que la délégation CFTC négocie avec l’organisation patronale HUMAPP pour défendre les intérêts des 90 000 salariés du secteur privé des Télécoms en France. Johann Decoux, il est le visage de la CFTC au sein du SNPPELAC, regroupant les secteurs du papier-carton, de l’édition et de la bureautique. Il agit dans le cadre du dialogue entre partenaires sociaux, notamment sur les conventions collectives de ces domaines.

Sélim FARÈS, pour sa part, porte la voix des salariés des branches de l’audiovisuel et du spectacle vivant, où il négocie depuis plusieurs années avec les employeurs pour améliorer les conditions sociales et professionnelles. Il souligne que dans ces secteurs, la représentativité syndicale est aussi une question de visibilité et d’efficacité dans la réaction face aux propositions patronales, un enjeu d’autant plus fort que les métiers évoluent rapidement avec l’arrivée de nouveaux profils (community manager, éco manager, coordinateur d’intimité, référent enfant…).

Représentativité : une reconnaissance indispensable
Tous insistent sur le fait que la représentativité est une condition légale pour participer aux négociations. Elle repose principalement sur les résultats obtenus lors des élections professionnelles. Une organisation doit atteindre au moins 8 % des suffrages exprimés sur un cycle de quatre ans dans une branche pour être reconnue comme représentative.

Dans les Télécoms, la CFTC affiche une représentativité de 12,8 % en 2024. Un résultat encourageant qui lui permet de siéger aux discussions clés. Olivier Louise note que ce taux ne traduit pas uniquement un poids électoral, mais aussi une implantation concrète dans de nombreuses entreprises du secteur.

Au SNAJ, Sélim Farès rappelle que la représentativité conditionne la légitimité des syndicats à négocier et à conclure des accords collectifs obligatoires. « Sans représentativité, il n’y a ni pouvoir de négociation ni confiance dans les accords », précise-t-il, insistant sur le fait qu’une bonne représentativité donne accès à des moyens spécifiques, favorise un dialogue social équilibré et maintient le lien avec les salariés.

Dans le secteur postal, la situation est plus complexe. Bernard Poisson alerte sur le fait que La Poste ne relève d’aucune branche professionnelle, même après la mise en place des CSE. Une anomalie qui prive les salariés concernés des protections offertes par une convention collective de branche.

Johann Decoux souligne que le SNPPELAC est représentatif dans deux secteurs : la bureautique et la distribution du papier. L’objectif pour les prochaines années est de reconquérir cette légitimité dans d’autres sous-branches, notamment via une meilleure structuration interne et une présence accrue sur le terrain.

Des enjeux concrets pour les salariés

La représentativité ne se limite pas à un statut symbolique : elle a des effets directs sur les négociations collectives. Elle permet aux syndicats d’influer sur le contenu des accords, d’en valider (ou refuser) les termes, et de défendre au mieux les intérêts des salariés.

Dans les Télécoms, par exemple, la représentativité permet à la CFTC de peser face aux grands groupes, mais aussi de mieux prendre en compte les besoins des nombreuses PME du secteur. Olivier Louise souligne l’importance d’un dialogue équilibré : « Il n’est pas question de laisser un acteur faire la pluie  et le beau temps dans notre branche. »

Au SNAJ, sont évoqués des enjeux économiques liés à la transformation des modes de production, à la diversification des métiers et à la restructuration des profils professionnels. « La représentativité conditionne notre capacité à accompagner ces mutations, à garantir que les droits des salariés évoluent en même temps que leurs métiers. »

Dans les Postes, l’absence de rattachement de certaines entreprises à une branche professionnelle empêche de fait l’application d’accords de branche. Bernard Poisson déplore que certains salariés soient sans couverture collective, faute de syndicat ou d’accord d’entreprise.

Pour Johann Decoux, la représentativité actuelle du SNPPELAC lui permet déjà de défendre les salariés de manière efficace dans les secteurs la CFTC est présente. L’objectif est de s’appuyer sur cette légitimité pour regagner du terrain là où elle a été perdue.

Quels leviers pour renforcer la représentativité ?

Tous identifient plusieurs leviers pour améliorer la représentativité dans les années à venir. Pour les Télécoms, la priorité est de se faire mieux connaître dans les petites entreprises.
Cela passe par un maillage territorial fort, notamment en Île-de-France, où se concentre une grande partie des acteurs du secteur. À chaque protocole d’accord préélectoral (PAP), la CFTC s’efforce de présenter des listes, un travail de fond indispensable pour maintenir et étendre sa représentativité.

Dans le secteur des Postes, Bernard Poisson plaide pour une meilleure structuration du cadre légal, notamment via la transcription automatique des accords interprofessionnels dans la loi, et le rattachement obligatoire de toutes les entreprises à une branche professionnelle, afin de garantir à tous les salariés un socle de droits collectifs.

Le SNPPELAC, quant à lui, mise sur une dynamique de professionnalisation et de modernisation : amélioration des outils de communication, centralisation des adhésions, installation d’un local syndical, et surtout formation des militants. Johann Decoux ajoute qu’une réflexion sur les critères
de représentativité nationale, incluant ou non le secteur public, mérite d’être ouverte, la CFTC n’étant pas représentative dans ce champ.

Le SNPPELAC, quant à lui, mise sur une dynamique de professionnalisation et de modernisation : amélioration des outils de communication, centralisation des adhésions, installation d’un local syndical, et surtout formation des militants. Johann Decoux ajoute qu’une réflexion sur les critères de représentativité nationale, incluant ou non le secteur public, mérite d’être ouverte, la CFTC n’étant pas représentative dans ce champ.

Pour le SNAJ, Sélim Farès insiste sur des pistes innovantes pour renforcer la représentativité : formation à l’inclusion, accompagnement des talents issus de la diversité, création de réseaux de soutien, communication inclusive, lutte contre les discriminations et réforme des modes de scrutin pour mieux refléter la diversité. Il ajoute que conditionner certaines aides à des obligations en matière de diversité peut aussi favoriser un dialogue social plus juste et représentatif.

 

Quel est le profil d’un bon négociateur de branche ?

Un bon négociateur de branche doit posséder de solides bases en droit du travail (Code du travail, règles de représentativité, etc.) ainsi qu’une compréhension approfondie des mécanismes de la négociation collective, des accords de branche et de la hiérarchie des normes.

Il doit faire preuve d’une curiosité active pour l’ensemble des thématiques liées à la négociation de branche : rémunération, couverture santé (mutuelle), dispositifs de formation, épargne salariale, entre autres. Une connaissance fine du secteur professionnel concerné est également indispensable : métiers, conditions de travail, dynamique de l’emploi, enjeux économiques et évolutions technologiques.

Au-delà de ces compétences techniques, certaines qualités humaines sont essentielles : capacité d’analyse et de synthèse, sens de l’écoute, aptitude au dialogue et persévérance. Enfin, un négociateur de branche doit savoir travailler en collectif, que ce soit avec d’autres négociateurs, des juristes ou les représentants de sa fédération.

À noter : la Confédération CFTC a conçu un module de formation dédié aux négociateurs de branche, qui constitue une excellente base ou un rappel utile pour renforcer ses compétences.

Un bon négociateur syndical doit avant tout faire preuve d’écoute et de dialogue, en étant attentif aux besoins des différentes parties prenantes et en instaurant un climat de confiance. La persévérance est essentielle pour mener à bien des négociations souvent longues et complexes.

Il doit disposer d’une expérience concrète locale, de branche ou interprofessionnelle et savoir construire, défendre et adapter ses revendications en fonction du contexte. La maîtrise des techniques de négociation, comme l’écoute active, la gestion des tensions ou la reformulation, constitue un atout important. À ces compétences s’ajoutent des qualités personnelles clés : rigueur, sens de l’organisation, pédagogie, esprit de synthèse et résilience face aux difficultés. Enfin, le travail collectif est indispensable : coopérer avec d’autres syndicats, collaborer avec des experts et se coordonner avec les structures locales ou d’entreprise, tout cela renforce l’efficacité de l’action syndicale.

Un message aux salariés et employeurs

Au-delà des chiffres, tous insistent sur l’importance de la représentativité pour la qualité du dialogue social et la protection des droits collectifs. Elle est un outil, pas une finalité. Bernard Poisson rappelle  que le rôle d’un syndicat ne se limite pas à être présent, mais à être force de proposition et d’innovation sociale : « La représentativité n’est pas une fin en soi. Le rôle de la CFTC est d’être un syndicat créatif. »

Olivier Louise souligne l’ancrage réformiste de la CFTC : « C’est notre représentativité qui reste le moyen le plus efficace pour porter nos revendications et œuvrer pour le bien commun. »

Enfin, Johann Decoux conclut en insistant sur la dimension stratégique de cet enjeu : « La représentativité conditionne notre capacité à agir, à défendre les salariés, et à consolider notre légitimité dans le paysage syndical. »

Défendre la représentativité, c’est défendre le droit à la négociation collective, au progrès social, et à l’équité entre salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise ou leur secteur d’activité. C’est un combat de chaque instant, mais un combat indispensable.

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