LA PLACE DES FEMMES DANS LES SYNDICATS

LA PLACE DES FEMMES DANS LES SYNDICATS

Les femmes représentent 36 % des effectifs des syndicats en France, et 47,5 % de la population active. Pourquoi cette différence entre taux de syndicalisation et taux d’emploi des femmes ? Pour répondre à cette question, Le Lien a interviewé Cécile Guillaume, sociologue et auteur du livre Syndiquées – Défendre les intérêts des femmes au travail.

« Depuis plus de vingt ans, je m’intéresse au sujet des femmes dans les syndicats, et de la difficulté qu’elles rencontrent pour progresser au sein des organisations syndicales. J’ai mené une étude comparative entre la Hongrie, l’Angleterre et la France, et j’ai retrouvé de grandes similitudes entre ces trois pays. Le taux de féminisation syndicale est inférieur au taux d’emploi des femmes dans les secteurs d’activité.


L’effet Sandwich
Les femmes ont du mal à prendre et à exercer des responsabilités syndicales. Elles sont nombreuses parmi les adhérents et les militants de terrain et, grâce aux quotas, elles ont pu accéder à certains mandats dans les structures dirigeantes, pour des profils de femmes sursélectionnées, souvent très qualifiés.


Triple peine
Les militantes du bas de l’échelle accèdent peu aux responsabilités dans les structures locales, les UD et
les syndicats, ou les mandats permanents de délégués syndicaux centraux pour lesquels la loi Rebsamen n’a pas d’effet contraignant. Elles rencontrent de la résistance, une certaine hostilité parfois, même si ces bastions se féminisent, du fait du manque de personnes et du vieillissement des militants. Pourtant, ce sont les véritables lieux stratégiques où s’élaborent les analyses, les revendications et les actions ou négociations syndicales.


Les femmes rencontrent parfois des difficultés à s’investir du fait de leurs contraintes personnelles, s’occupant, encore aujourd’hui, majoritairement des tâches domestiques elles attendent souvent de retrouver une certaine liberté familiale, pour s’investir davantage.


De plus, les emplois dits féminins étant peu qualifiés et concentrés dans les services, les femmes subissent des conditions de travail et d’emploi dégradées, qui laissent peu de temps à un investissement syndical. Subissant souvent une discrimination salariale, les femmes ne souhaitent pas ajouter une autre syndicale : une personne syndiquée gagne en moyenne 30% de moins après vingt ans de syndicalisme qu’un collègue non syndiqué.


Dur d’avoir un mandat syndical aujourd’hui pour tous, homme ou femme !
Les conditions d’exercice des mandats syndicaux se dégradent, le niveau d’expertise demandé est désormais élevé et cela peut limiter les vocations. En supprimant les mandats de DP (délégué du personnel) et de CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), les ordonnances Macron ont fait disparaître le vivier principal de nouveaux syndicalistes.

À l’heure où les ressources sont de plus en plus limitées pour les syndicats, surtout dans l’interpro, les Organisations syndicales doivent travailler pour éliminer le sexisme (et le jeunisme), et les phénomènes de cooptation en leur sein, pour augmenter leurs chances de survie.

Le vrai combat des syndicats aujourd’hui est de retrouver des droits, des ressources et des moyens ! ».

Cécile Guillaume est sociologue, maître de conférences à l’université de Surrey en Grande Bretagne, professeure affiliée à Sciences Po Executive Education. Engagée dans la défense de la cause des femmes, elle a publié, entre autres, « Syndiquées Défendre les intérêts des femmes au travail » en 2018.